Aujourd’hui, Sega est un éditeur de jeux vidéo possédant plusieurs studios, allant du hérisson prédateur aux vétérans de Relic Entertainment. Mais il fut un temps où Sega et bien plus qu’un éditeur de jeu. Dans cet âge d’or, Sonic n’était pas simplement un personnage de jeu, mais une mascotte sur différentes consoles produites par la marque japonaise. La succès de Sega était presque sans limite. Voici l’histoire de la Sega Saturn.Alors, que c’est-il s’est passé ? Comment Sega est-il passé d’un producteur de console majeur à un éditeur de logiciel de taille moyenne ? Pourquoi ne jouons-nous pas encore tous sur les consoles Sega aujourd’hui ? Les réponses mènent toutes à une console spécifique: la Sega Saturn. C’était la première d’une nouvelle génération de consoles, le début d’une toute nouvelle ère de jeux. Et pourtant, un certain nombre d’erreurs et de mauvaises décisions ont fait de Saturn la pierre tombale des ambitions de Sega. Le problème n’est pas que ce soit une mauvaise console ou que les jeux vidéo associés soient de mauvaise qualité, le problème vient en grande partie d’une gouvernance contradictoires de la haute direction. Ces directives l’entraînaient dans trop de directions à la fois.
Le succès de la Mega Drive
La Sega Mega Drive était la troisième consoles de jeu du fabricant japonais, après le SG-1000 en 1983 et la Master System en 1985. Mais aucune de ces consoles n’a fait beaucoup de bruit sur le marché, la domination du système de divertissement Nintendo était à l’époque presque inattaquable. Lorsqu’en 1988, Sega sorti sa console 16 bits Mega Drive deux ans avant que leurs rivaux de Nintendo ne produisent leurs propres machines 16 bits, le vent commença à tourner pour Sega qui engrangea beaucoup de bénéfice.
Avec cette avance de deux ans sur Nintendo, la Mega Drive s’est imposée comme la console la plus puissante du marché. Mieux encore, Sega avait finalement créé un personnage définissant la marque, à l’instar de Nintendo : Un hérisson d’un bleu vif appelé Sonic.
Même lorsque la Super Nintendo 16 bits est enfin arrivée, Sega continue de connaître un énorme succès . Il n’existait plus que deux marques de matériel viables dans l’ensemble du secteur, et Sega représentait la moitié des parts de marché. Les ingénieurs de Sega savaient pertinemment qu’ils devaient continuer à innover pour rester en avance sur leur rival et la gestion de ce choix légitime les mena pourtant au désastre.
De l’expansion au flop
Comme la Mega Drive était une machine populaire, l’une des stratégies de Sega fut de l’utiliser comme plate-forme extensible. En d’autres termes, au lieu de lancer une toute nouvelle console sur le marché, ils créeraient du matériel supplémentaire pouvant être utilisé avec le système 16 bits.
Sur le papier, ce n’est pas une mauvaise idée mais pratique, rien de tout cela n’a fonctionné.
La CD Sega de 1991 a tout d’abord été développée. Elle était censée substituer transformer la cartouche Mega Drive en CD, une technologie nouvelle offrant un espace de stockage beaucoup plus grand. Cela permettait d’exploiter des jeux plus volumineux et à plus haute résolution. Malheureusement pour Sega, très peu de jeux ont été produits pour la CD Sega. Sans une bibliothèque de contenu conséquente, l’extension matérielle n’a tout simplement jamais trouvé le succès.
La prochaine étape fut la Sega 32X, qui permettait à la Mega Drive 16 bits de jouer à des jeux 32 bits. Cela permettait l’émergence de jeux 3D plus intéressants pour le joueur. Cependant, au moment du lancement, cette extension était aussi coûteuse que la Mega Drive elle-même et, comme le CD Sega avant, il n’y avait pas beaucoup de jeux disponibles. Pire, puisque les développeurs savaient que Sega travaillait sur une console 32 bits complète, les studios de logiciels n’avait pas investi sur cette extension.
La Saturn aurait pu empêcher la PlayStation de se produire
Bien que le CD Sega ne connu pas le succès, il permis d’établir un partenariat important. Les ingénieurs de Sega ne connaissaient pas beaucoup la technologie CD. Ils ont donc fait appel à une autre entreprise du secteur de l’électronique : Sony. Alors que les ventes du CD Sega étaient médiocres, la technologie utilisée était plutôt bonne. Sachant que les CD étaient l’avenir, le directeur général de Sega Amérique, Tom Kalinske, a proposé à ses patrons japonais une idée radicale: développer leur prochaine console en partenariat avec Sony. De cette façon, les deux sociétés pourraient partager les coûts et créer une console partagée répondant aux normes techniques les plus strictes.
Malheureusement, le siège de Sega rejeta l’idée. La haute direction savait qu’elle perdrait de l’argent sur chaque unité de la console de nouvelle génération vendue: le but était de tirer tous ses profits possibles et monopoliser le plus possible les développeurs de jeux vidéo. Et comme Sega avait plus d’expérience dans la production de jeux que Sony à l’époque, le partenariat semblait profiter davantage à Sony qu’à Sega.
Bien sûr, Sony n’a pas laissé ce projet sans réponse et produisit sa propre console, la PlayStation, en 1994. Et bien sûr, elle exploitait des CD.
La concurrence féroce de Sega envers Sega
La société a poursuivi ses projets de nouvelle console et naquit la Sega Saturn. Contrairement à la 32X, c’était un véritable ordinateur 32 bits fonctionnant à partir de CD. L’objectif encore une fois, consistait à battre Nintendo sur le marché et de réitérer le succès de la Mega Drive. Cependant, certaines questions semblaient être posées aux échelons supérieurs de la direction de Sega. Les consoles à cartouche ont toujours été la norme de l’industrie du jeu vidéo ; Les développeurs de jeux, ou même le public, ne voulaient-ils pas s’en tenir à ce format ? Après tout le CD Sega avait été un échec…
Ainsi, en interne, Sega a consacré des ressources à une autre console 32 bits, l’une utilisant toujours des cartouches. Développée sous le nom de code Jupiter, elle reprenait les caractéristiques techniques de la Saturn. En principe, elle pouvait exécuter les mêmes jeux que la version CD. La direction de Sega réfléchissait à une stratégie où différentes options allaient être proposées aux clients : une version CD, une autre cartouche.
Cependant, cela signifiait que Sega était en train de développer et d’essayer de convaincre les studios externes de prendre en charge trois systèmes 32 bits différents: le 32X, le Saturn et la Jupiter. Les concepteurs de jeux ont mis de côté le projet Jupiter qui fut abandonné par Sega. Mais la dispersion des ressources de l’entreprise dans ces différents projets n’a pas permis à faire de Saturn la meilleure console possible.
La Saturn en première japonaise
Mais tout semblait bien aller quand, en 1994, la Sega Saturn a finalement fait ses débuts au Japon. Immédiatement, 200 000 unités ont été vendues. Sega a été le premier développeur de matériel informatique de premier plan à lancer une console 32 bits, devançant ainsi son ancien rival Nintendo et son nouveau rival Sony, la première PlayStation étant encore en développement. Le processeur le plus puissant était capable de gérer les jeux en 3D et de restituer les polygones à une vitesse de balayage régulière, une toute nouvelle orientation technique que l’ensemble du secteur allait suivre.
Au lancement, la vitrine principale de cette puissance était le célèbre jeu d’arcade Virtua Fighter . Aucune autre console de salon ne pouvait offrir quelque chose d’aussi beau, ce qui a conduit à la fantastique réception précoce de la console au Japon. Et pourtant, hors mis Virtua Fighter, il n’y avait pas grand chose à recommander. Sonic the Hedgehog, la mascotte de la société, était introuvable et, et ne vit jamais le jour sur cette console. Sega avait lancé le développement d’un jeu Sonic pour Saturn celui-ci fut abandonné, laissant un trou énorme dans la gamme du système.
Malgré la solide première, ces lacunes dans sa bibliothèque constituaient une vulnérabilité pour Saturn et pour Sega dans son ensemble. Le CD Sega et le Sega 32X ont tous deux été tués par leur manque de jeux. La Saturn était-elle en train de reproduire le problème face à une concurrence féroce ?
La Saturn a surpris l’E3, pour le meilleur et pour le pire
Après les débuts réussis de Saturn au Japon, Sega s’est tourné vers le très important marché occidental. L’Electronic Entertainment Expo, ou E3, était le plus grand salon professionnel du jeu au monde, et Sega souhaitait que Saturn domine l’événement. Cependant, Sony annoncerait également la sortie américaine de sa console, la PlayStation.
Désespéré de battre la PlayStation aux Etats-Unis, le président de Sega Hayao Nakayama a lui même annoncé que la Saturn serait disponible peu après l’E3.
Le directeur général de Sega Amérique, a estimé que cette stratégie était insensée, sachant qu’ils ne pourraient pas produire physiquement suffisamment de consoles à temps. Néanmoins, il se rendit consciencieusement en E3 et annonça au monde que le Saturn était disponible.
Mais il y avait aussi une mauvaise nouvelle: à savoir le prix. La Saturn serait lancée à 3 299 Francs, un prix extrêmement élevé pour l’époque. Sega tablait encore une fois sur une publication anticipée en tant que principal moteur des ventes, quel que soit le prix. En théorie, si la Saturn était dans les rayons des magasins et qu’aucun de ses concurrents ne l’était, la Saturn prendrait une avance sur le marché.
Mais pour que cette idée fonctionne, il eut fallu que la Saturne soit réellement dans les rayons des magasins. Et là, ils y eu un problème de taille.
Sega a irrité les principaux détaillants
Avant Internet, il fallait obligatoirement aller dans un magasin physique pour acheter quelque chose. Cela signifiait que les grandes chaînes de distribution avaient une énorme influence sur les produits qui réussiraient ou échoueraient. Sega avait en fait mené une longue bataille contre Nintendo pour gagner les faveurs des détaillants au cours de l’ère Mega Drive. Au lendemain de l’E3, seulement 30 000 unités étaient disponibles, ce qui signifiait que tous les détaillants ne pouvaient disposer de cette nouvelle console, créant un malaise au sein du réseau de distribution.
Cela a conduit à une foultitude de problèmes. Les clients avaient même du mal à trouver une Sega Saturn en stock, où que ce soit. Entre-temps, la société avait rompu ses relations avec d’autres grandes chaînes de distribution. Loin de prendre de l’avance sur ses concurrents, la Saturn s’est retrouvée en retard. En parallèle, la bibliothèque de jeux était trop mince et la Saturn n’a tout simplement pas généré d’énormes ventes, ni profité d’un bouche-à-oreille solide. Cela a laissé la porte ouverte à Sony et à sa nouvelle console PlayStation qui mit un clou dans le cercueil de Saturn.
Sony évita les difficultés de Sega
Alors que Sega s’effondrait après une série d’erreurs, Sony se préparait à percer le marché des consoles de salon avec la PlayStation. Lors de l’E3 1995, Sega a fait sensation en annonçant la sortie immédiate de la Saturn, mais avait également fait frémir les consommateurs son prix de vente élevé. Sony répliqua avec une stratégie différente. Lorsque Sony présenta sa nouvelle console à l’E3, le représentant de la marque a simplement mis en avant le prix de vente : 299$ contre 399$ pour la Sega Saturn. Avec seulement trois chiffres, Sony a annoncé que la PlayStation coûterait cent dollars de moins que la console de Sega.
En plus de cela, Sony a lancé la PlayStation chez tous les détaillants à la fois, sans irriter le moindre d’entre eux. Mieux encore, il possédait une bonne bibliothèque de titres, à la fois lors du lancement et au cours des années suivantes. De plus, il s’agissait d’une architecture matérielle relativement simple à coder, par opposition à la Saturn dont l’architecture à base de deux processeurs rendait les jeux plus difficiles à développer. Tous ensemble, ces facteurs ont conduit à un début fulgurant pour la PlayStation et à un succès éclatant à long terme. Les développeurs tiers ont en grande partie abandonné la Saturn.
Très vite, la Saturn fut abandonnée.
Et après tout ça, la Saturn était de toute façon moins puissant que ses rivaux
Au final, la Sega Saturn était la moins puissante des acteurs majeurs de la cinquième génération de consoles. La PlayStation de Sony était également en 32 bits, mais beaucoup plus facile à programmer grâce à son architecture matérielle plus simple. Pour les développeurs tiers, qui ne se concentraient pas toujours sur Saturn, cela facilitait beaucoup la création ou le portage de jeux sur la PlayStation par rapport à la machine de Sega. Cela permis de générer une bibliothèque de jeux beaucoup plus importante que pour la Saturn.
Et de l’autre côté de la barrière, le premier rival de Sega a finalement sorti la Nintendo 64 en 1996. Nintendo a complètement ignoré l’ère des 32 bits, passant directement de la Super Nintendo 16 bits à une nouvelle console 64 bits. Nintendo était tellement fier de cette décision, qu’ils ont choisit un nom évoquant cette prouesse technologique. Même s’il fonctionnait toujours sur cartouches, la N64 a joué un rôle déterminant dans ce qui allait devenir l’ère du jeu en 3D, avec notamment des jeux de plateforme à la première personne.
Ce qui est vraiment dommage ici, c’est que, encore une fois, Sega aurait pu empêcher Nintendo de mettre la main sur ce processeur. Silicon Graphics, un important fabricant de chipsets, avait dans un premier temps approché Sega pour proposer l’utilisation de cette nouvelle puce sur la Sega Saturn. Et encore une fois, la direction générale de Sega au Japon avait rejeté l’idée. Silicon Graphics haussa les épaules et fit la même offre à Nintendo. Le résultat était la N64.
L’échec de Saturn a conduit à la Dreamcast
À la fin de la cinquième génération de consoles, le géant japonais été humilié. La Sega Saturn avait été décimée par le succès de la Nintendo 64 et de façon encore plus importante par celui de la PlayStation de Sony.
La société décida de revenir dans la sixième génération de consoles sans faire les mêmes erreurs. La nouvelle console, appelée Dreamcast, était non seulement puissante, mais elle a finalement permis à une console domestique de rivaliser avec les machines d’arcade. La Dreamcast est également livrée en standard avec un modem, ce qui en fait la toute première console à offrir une connectivité en ligne. Rien que pour le lancement, Sega dépensa 100 millions de dollars en marketing et a veillé à ce qu’il y ait suffisamment de jeux et d’unités physiques pour inonder les détaillants. De plus, la date de lancement fut le 9 septembre 1999: 9/9/99.
La Dreamcast est toujours considérée comme l’une des meilleures consoles de tous les temps. Et pourtant, cela n’a pas suffit. La PlayStation 2 de Sony était tout simplement plus puissante, elle pouvait également lire des DVD et disposait d’un meilleur support tiers. Après toutes les erreurs de Saturn, les triomphes de la Dreamcast n’étaient tout simplement pas suffisants. Sega n’a plus jamais sorti une autre console.